Ces interventions entrent dans un cadre d’une sensibilisation contre l’homophobie.
L’outil de départ est le « mur des mots qui blessent ».
C’est la 4e année que nous intervenons en partenariat avec l’ALAE. Mais c’est la première année que nous rencontrons exclusivement en groupe d’enfants de l’école des Genêts. Le petit nombre d’enfants (moins de 10) est confortable et permet d’échanger plus longuement avec chacun d’entre eux. Le lieu et la proximité des autres enfants faisant
d’autres activités a parfois parasité la concentration des enfants et des intervenantes.
Les participants et participantes ont été intéressés, spontanés, ils et elles n’avaient aucune crainte pour s’exprimer à l’oral.
Leur participation a été régulière ce qui nous a permis d’avoir une démarche progressive pour aborder l’homosexualité et l’homophobie.
Le mur des mots qui blessent intéresse d’emblée les enfants, leur motivation principale : pouvoir dire des gros mots et les écrire.
Les débuts sont timides, mais après une mise en confiance (« vous avez le droit de tout dire ») les listes d’insultes sont longues. Les enfants témoignent d’une utilisation quotidienne et habituelle des insultes dans la cour de récréation.
Les réactions de rejet sont visibles et verbalisées face à des couples de même sexe. C’est la première année qu’aucun enfant ne dit ou n’ose exprimer un point de vue plus modéré en faveur d’une acceptation de l’homosexualité (contrairement aux années précédentes où des enfants connaissaient des personnes homosexuelles et l’avancée des droits notamment sur le mariage).
Une enfant a essayé d’exprimer, timidement et avec gêne de l’impossibilité de parler de ce sujet dans sa famille : c’est interdit. Malgré nos sollicitations elle ne souhaitera pas expliquer plus clairement cet interdit. Hormis quelques mots échangés entre eux en arabe notamment « hchouma » (honte), nous n’avons pas de pistes pour entamer un dialogue concernant le lien entre l’interdit de l’homosexualité selon les cultures et les religions.
Le mot « normal » pour qualifier le couple hétérosexuel apparaît très vite (idem pour les interventions lors des années précédentes).
Nous constatons la présence d’idées reçues concernant l’homosexualité : c’est un choix par défaut, ce n’est pas normal, les homosexuels sont des pervers.
L’homosexualité masculine subit le plus de rejet.
Le sexisme apparaît également, notamment sur la définition du terme « pute » : une femme qui porte une jupe courte et des strings.
Le besoin d’explications sur les insultes utilisées est primordial. Ce mode de communication semble se banaliser, les insultes peuvent être utilisées sans intention de nuire à l’autre.
Pourtant lorsque nous intégrons la notion d’empathie avec l’association d’émotions, les enfants décrivent des ressentis négatifs face à des insultes. Les saynètes jouées par eux renforcent cette hypothèse : ils répondent spontanément à des insultes par des insultes allant jusqu’à se battre.
Ils expriment cependant une différence d’attitude en présence d’adultes (à l’école ou dans leur famille).
Après le visionnage du film (court métrage de la série « jeune et homo, sous le regard des autres », INPES), l’ambivalence concernant l’homosexualité est constatée. Certains enfants expriment une différence dans l’acceptation de celle-ci entre : si c’est un ami ou une amie (c’est plus facile d’accepter) et si c’est mon enfant (rejet).
Le questionnaire final, rempli de façon individuelle, fait apparaître une meilleure compréhension des insultes, l’intégration qu’une insulte peut faire mal, l’acceptation de l’homosexualité. Le concept d’homophobie n’est pas compris ou difficile à expliquer par écrit.
Cependant, l’analyse des questionnaires ne nous permet pas de différencier dans les réponses celles qui relèvent de « ce que l’on doit dire » (intégration des règles sociales) et « ce que l’on ressent vraiment » (qui fait plus référence à une norme intériorisée).
Ces interventions ne cherchent pas à déstabiliser les enfants dans leurs repères sociaux et/ou familiaux. Bien au contraire, les interventions s’appuient sur ce qu’ils savent (vocabulaire) et sur ce qu’ils montrent (comportement, attitudes) vis-à-vis de l’homosexualité. Elles favorisent le débat et l’échange afin que chacun puisse développer ses aptitudes à la tolérance.
Rappelons que les conséquences de l’homophobie peuvent être graves pour les personnes qui en sont victimes : sentiment de culpabilité, de honte, d’angoisse, de dépression. Cela peut également amener à des conduites à risques (addiction, suicide…).
Donner la possibilité aux enfants de parler de l’homosexualité et de l’homophobie avec des intervenants à l’aise avec ces sujets est un enjeu majeur de la lutte contre les discriminations liées à l’orientation sexuelle.